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Une médaille un peu tardive pour les vétérans algériens

Une médaille un peu tardive pour les vétérans algériens

Article paru dans Le Monde, en date du 15 mai 2009.

LE MONDE | 15.05.09 | 09h26  •  Mis à jour le 15.05.09 | 09h39

Entendent-ils seulement ce que le ministre français leur dit ? Le plus jeune a 87 ans et le plus âgé 93 ans. Ils se déplacent difficilement malgré leur canne et le soutien du fils ou du petit-fils venus les accompagner à cette cérémonie. Il y a plus de soixante ans, ces vétérans algériens ont combattu le nazisme aux côtés des Français. Ils ont fait la campagne d'Italie ou le débarquement de Provence d'août 1944.

En ce jeudi 14 mai, Jean-Marie Bockel, le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, leur rend un hommage chaleureux avant de décorer sept d'entre eux et d'inaugurer une Maison des anciens combattants à l'ambassade de France à Alger. Un espace destiné à fournir une assistance administrative et médicale aux quelque 40 000 vétérans algériens encore en vie, sur les 150 000 qui ont rejoint l'armée française pendant la seconde guerre mondiale.


"La France n'oublie pas cette mémoire partagée. Je suis venu vous exprimer notre considération et notre reconnaissance", déclare le ministre sur un ton solennel. A l'issue de ce discours, Tighzirt Mohand, 90 ans, est l'un des rares à se montrer content. "J'ai combattu quatre ans dans l'armée française. Je ne regrette rien. J'ai appris ce qu'étaient la peur et le courage. Et j'ai voyagé !" dit-il dans un français parfait.

 

 

 

Belkacem, 89 ans, lui, ne cache pas sa frustration. "Qu'est ce que je vais faire de çà ?, ronchonne-t-il en agitant la décoration qui vient de lui être remise. Moi, ce que je veux, c'est un visa et pouvoir aller en France."


La plupart des vétérans balancent entre l'amertume et la fierté. Cette reconnaissance, ils l'ont attendue toute leur vie. Mais maintenant qu'elle arrive, il leur semble qu'elle n'est pas à la hauteur.

 

Les massacres de Sétif du 8 mai 1945 (plusieurs dizaines de milliers de morts côté algérien) ayant constitué le véritable coup d'envoi de la guerre d'indépendance (1954-1962), c'est toute la période coloniale qui a plané sur la visite à Alger de Jean-Marie Bockel, les 13 et 14 mai.

 

UN GESTE DE LA FRANCE


Au prix de quelques contorsions verbales, le ministre français est parvenu à respecter le credo de l'Elysée – "regarder l'avenir au lieu de ressasser le passé" – sans heurter la sensibilité algérienne sur la question de la mémoire. "Des mots restent à prononcer", a-t-il admis à plusieurs reprises en allusion au geste d'excuse réclamé par Alger. Autre message : "Le travail des historiens est nécessaire mais ne suffit pas."


Chacun a compris que, par ces mots, M. Bockel s'adressait au président Abdelaziz Bouteflika qui, quelques jours plus tôt, avait rappelé qu'il attendait un geste politique de la part de la France et qu'il ne saurait se contenter d'une vérité mise à jour par les universitaires.

 

M. Bouteflika viendra-t-il en visite officielle en France d'ici à la fin de l'année ? Pour l'instant, il semble se faire prier. M. Bockel n'a pourtant pas ménagé ses efforts et ses louanges. La France est "très en attente" d'accueillir le président Bouteflika "comme il le mérite", a assuré le ministre français.

 

Reste à savoir comment cette emphase a été interprétée par les responsables algériens.


Florence Beaugé