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Vendredi treize, au soir.

Vendredi treize, au soir.

Une fois encore l'horreur. Et une fois encore l'insomnie.

Je suis dans ma cuisine, pas beaucoup de vêtements sur le dos et un modeste peignoir pour tenter de combattre les frissons qui parcourent mon corps. Notre nouvel appartement est directement au-dessus des caves et puis à quatre heures du matin, il fait froid. Frissons.

Vendredi treize, au soir.

Je retournais et retournais encore dans mon lit. Pensant avoir trouvé le sommeil que l'épuisement m'avait offert. Et puis pour une fois, ce fut moi qui me réveillai avant la tétée du milieu de la nuit.

Pourquoi suis-je dans la cuisine, à la lueur de mon écran, avec un chat qui tourne autour de mon clavier ?

Vendredi treize, au soir.

Parce qu'à force de me retourner sur cette question, Paris brûle-t-il ?, je me suis dit qu'il serait plus sain (oui le mot est un peu trop fort) de ne parler pour ne rien dire. J'excelle dans le domaine. J'étais, je suis et je serai, comme un hibou. Les yeux grands écarquillés et sans la moindre possibilité de me rendormir. Alors... à quoi bon ?

La soirée avait pourtant bien commencé avec la petite A. à mes côtés. La petite A. c'est une de mes innombrables (treize) et adorables cousines. Nous n'avions pas vu passer le temps à lire des annonces d'emplois sur Berlin ou Hambourg sur internet. Pas mécontent, je me disais qu'on avait bien avancé ce premier soir. On avait même déjà envoyé une candidature sur les coups de 21 heures. Tiens, 21 heures ? Le match commence. Je lance l'application L'Équipe sur mon téléphone et entre deux clics et deux annonces d'emploi, je garde un œil sur l'évolution du match amical France-Allemagne.

Vendredi treize, au soir.

Après 22h30, je me dis que je vais me coucher mais l'envie me prend de quand même voir la toute fin du match. Bébé oblige, on se cale devant une télé muette pour regarder les dix dernières minutes de la danse des vingt-deux bonshommes en bleu et en blanc. Une fois de plus mon expertise en pronostics est redoutable : je glisse à ma cousine que les allemands allaient égaliser. Superbe tête de Gignac, 2 - 0 pour la France. Je fais mon ronchon et dis tout fort que les Bleus auraient mieux fait de gagner ce match en quart de finale que ce soir.

On est surpris de la poignée de main hyper rapide entre les deux entraîneurs (Didier Deschamps et mon pote Joachim Löw, hyper private joke). Rapide car, sans le son, on n'a pas réalisé que l'arbitre avait sifflé la fin du match. Je me revois la main sur la télécommande à éteindre la télé et soudain mon geste est brutalement arrêté par un bandeau où défilaient des mots synonymes d'abjection sur l'écran de ARD.

On n'ira pas au lit ce vendredi treize. Ou alors contraints. Pas avant vendredi quatorze en tout cas. Rebutés par le sang que nous sentons battre dans nos gorges et qui s'étale comme une peinture de Pollock dans une salle de concert parisienne.

Vendredi treize, au soir.

Oui je ne dis pas grand chose ici (parler pour ne rien dire) car il n'y a sans doute rien à dire. En tout cas surtout pas là, maintenant. Peut-être plus tard même si je n'en ressens ni l'envie, ni la force.

Et cette question, encore. Paris brûle-t-il ?

Oui, Paris brûle un vendredi treize. Au soir. Comment éteindre cet incendie qui a déjà fait tant de ravages toutes ces années ?

Vendredi treize, au soir.