Je me rends compte depuis quelques années qu'avant que les mangas ne débarquent en France au début des années quatre-vingt, et que je ne devienne fan de Goldorak et Capitaine Flam, les programmes jeunesse (d'Antenne 2 notamment) proposaient pas mal de contenus produits de l'autre côté du rideau de fer. J'ai des souvenirs, par bribes, de certains dessins animés, certaines animations.
Et pour cause ! Il fut un temps où le monde de l'animation était absolument dominé par des productions du bloc de l'Est. Des années cinquante aux années soixante-dix environ, le déjà-monstre Disney mis à part, personne ne se posait la question : l'art de l'animation était — quasi-exclusivement — un truc de soviétiques. Les plus grands chefs-d'oeuvres d'inventivité, de sensibilité, de poésie et d'innovations visuelles étaient avant tout russes, tchécoslovaques et yougoslaves, et, chose bien trop rare aujourd'hui, produits par des studios d'animation à l'avant-garde à la fois technique et artistique de leur temps.
Je vous propose aujourd'hui une perle, La Petite Sirène (Rusalochka), d'Ivan Aksenchuk, produit par le studio Soyuzmultfilm il y a cinquante ans, en 1968. Cela dure une petite trentaine de minutes. Elisabeth est restée scotchée devant hier.
L'histoire commence avec un bus de touristes qui visitent Copenhague. Leur guide les attire vers la très belle statue du port de Langelinie, au nord de la ville. Et puis, tout de suite, nous sommes emmenés dans les flots de l'histoire...
Tous les ingrédients de l'animation soviétique y sont présents : graphisme original et travaillé (le Prince semble tout droit sorti d'un jeu de cartes), dans la plus pure tradition de l'illustration russe mais ne négligeant pas une certaine modernité "à l'occidentale", notamment dans les expressions des visages, techniques innovantes (prises de vues réelles et dessin), bande-son orchestrale irréprochable et résultat au charme envoûtant. Et évidemment zéro happy end — conformément au conte original d'Andersen.