Il y a vingt ans je travaillais dans une boîte américaine, à Dublin. Au sein de ce support pas toujours technique, nous ne le savions pas encore, un petit noyau s'était formé. Dans moins de deux semaines je les retrouve pour un week-end en Bretagne.
Vingt ans.
Shane McCarrick.
C'était le nom d'un de mes collègues à l'époque. Irlandais comme on peut facilement le deviner. Je crois que je ne me souviendrais pas de son nom sans cette journée du mardi 11 septembre 2001. Je ne me souviendrais pas non plus de sa bouille de hamster ni qu'on l'appelait Tayto au vu du nombre de paquets de chips Tayto qu'il s'empiffrait chaque jour. Le matin c'était salt and vinegar et l'après-midi, plus funky, cheese and onion.
Il était un peu après 14h quand Shane envoie un email à toute l'équipe. Le mec était au taquet, comme j'allais le devenir, sur les dépêches info. D'ailleurs, c'est sans doute depuis ce jour-là que je suis accro aux breaking news (même si je l'ai toujours été un peu). Depuis, nous le sommes toutes et tous devenus.
Shane avait écrit en reprenant les mots de la première dépêche : "Un avion kamikaze s'est écrasé dans une des tours jumelles du WTC à New York". Bien sûr on avait tous la même image qui venait alors s'incruster à l'esprit : celle d'un petit avion planté dans une de ces tours géantes. Un Cessna quoi.
Et puis bientôt, les premières photos sur le net... Une des équipes voisines avait des écrans télés au-dessus d'eux. Quelqu'un avait changé de chaîne et les images venaient révéler l'horreur du truc. Je me souviens du trajet retour vers le centre de Dublin dans le petit bus "Liam Bus". Grand silence. L'envie de dire au chauffeur de foncer pour rentrer se brancher sur Sky News. Je m'en souviens très clairement, la radio (toujours dans le bus) faisait le parallèle avec l'assassinat de JFK pour l'ampleur de l'évènement. Finalement le 11 septembre l'aura égalé sinon dépassé.
Quand je rentrais, l'horreur n'avait toujours pas de nom mais autour de la planète elle s'affichait dans les regards de toutes et tous. Je réalisais rapidement, en écoutant les gens de Dublin, les informations aussi, que localement, ce fut un coup encore plus dur. La plupart des forces de police et des pompiers de la ville de New-York sont d'ascendance irlandaise ou plus largement celtique.
Mais je reparlerai peut-être un jour de ceci. Des jours qui ont suivi et notamment de ce vendredi 14 septembre que je n'oublie pas non plus. Prière et rassemblement. Ce jour là, c'était le temps de la paix avant le temps de la guerre. Guerre dont nous ne sommes jamais sortis. Guerre que l'on combattra avec la plus grande détermination jusqu'en 2003 avec, justement, ce petit groupe d'amis que je me faisais pour la vie.
Mais ceci est une histoire pour une autre fois. Un autre moment.
Il y a quelques jours la ville de Berlin participait à sa manière aux célébrations des cinquante ans de la sortie de l'abum Imagine de John Lennon. On en est toujours là. À imaginer. Lamentable.
Dans mon esprit embrumé, il reste des papiers qui tournent dans le ciel gris. Un blizzard de poussières et de cancers que de pauvres masques en papier ou en tissu n'ont pas empêché de tuer.
Une tempête de mort dans un ciel bleu.
Et le vent souffle encore.
Le onze du mois de septembre - Ici Berlin
https://www.iciberlin.eu/article-le-onze-du-mois-de-septembre-83911338.html
Il y a dix ans, j'imaginais le 11 septembre 2021.