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Ça va trop vite, non ?

Ça va trop vite, non ?

C'est ce que devaient dire nos anciens quand j'avais sept ans, quand j'avais dix-sept ans (et après). Ils ne disaient pas ça ? Qu'il n'y a plus de saison, que je n'y comprends rien à ton machin, que tout va trop vite. Et quand est-ce que je descends du manège ?

 

Nous sommes le 31 décembre 2022 et je finis mes courses en tee-shirt, petite polaire dessus, ouverte car trop chaud avec les sacs en bandoulière.

C'est pas faute d'avoir été prévenus. D'abord tout au long de cette année sèche et chaude en Europe. Et puis depuis nos adolescences. Mais là je sais pas pourquoi, un 31 décembre, ça me marque encore plus.

En partant faire les courses, la petite fille à qui on a confirmé la non-existence du barbu de Noël, me cuisine. Ce matin, sa préoccupation n'était pas le réchauffement climatique. Pas cette fois.

Quelques heures plus tôt, j'ai eu droit au prénom de son amoureux. Information jusque là top secrète à laquelle sa mère avait eu accès il y a déjà plusieurs semaines. Et donc là, sur le chemin des courses, la question. Directe. Les yeux droits dans les miens.

Tu as fait comment toi pour dire à ton amoureuse que tu l'aimais ?

Ça va trop vite, non ?

Euh, c'est à dire que... Une lettre ! Bah oui une lettre. Écris lui une lettre. 

Et là je comprends tout de suite, sans surprise aucune, que le sujet a eu le temps de bien mûrir dans sa tête. Depuis de longues semaines. Peut-être de longs mois. Car on se lance dans une mini session de ping-pong, sur un rythme effréné.

Oui mais si jamais les parents ouvrent la lettre avant ? 

Tu lui donnes la lettre en personne, à l'école.

Non, j'aurais pas le courage.

Alors glisse lui la lettre dans son casier.

Mais non mais il verra mon nom.

Comment ça ?

Il verra que c'est moi qui l'ai écrite la lettre !

Mais tu vas bien signer la lettre ! Sinon ça s'appelle une lettre anonyme, c'est pas très sympa et il ne saura pas qui tu es.

 

 

Une petite brise, tiède, nous a volé nos voix. On venait de tourner à l'angle de la rue qui longe le parc, près du lac. L'incongruité de la température, alors que nous nous apprêtons à manger une raclette avec des amis ce soir, a interrompu notre discussion.

Je pense que nous reprendrons cette conversation. En 2023.

Aux cornichons et à nous autres, bonne année et meilleurs vœux. Meilleurs vieux aussi, oui. La santé, encore et toujours. Et des petits bonheurs le long du chemin.