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Cumha

Cumha

Je suis né nostalgique.

Il parait que le mardi 28 décembre 1976, sur les coups de 16h, j'aurais eu ce besoin urgent de recoller le cordon ombilical et de ramper rejoindre les entrailles maternelles dont la douceur me manquait tant. L'absence irrésolue du cordon et le fait que je sois, en ces temps reculés, dépourvu de Google Maps firent que je ne pus pas m'y remettre au chaud.

Aujourd'hui, comme chaque année, c'est à nouveau le 17 mars, la Saint Patrick. Avec l'âge, c'est bien naturel, je ressens de plus larges bouffées de nostalgie pour ces années-là. Evidemment, ce sont celles de ce qu'il faut bien appeler ma jeunesse ou en tout cas mes jeunes années adultes.

Je ne saurais embrasser tous ces moments de bonheurs ivres en quelques mots. Cavalier séculier, j'ai été, là-bas, à cheval sur le vingtième et le vingt-et-unième. Siècle.

Je dis bonheurs ivres mais n'y voyez pas là un aveu. Je n'ai pas passé dix ou onze ans sous l'influence de l'alcool. Mon foie irait mal. Non c'est l'ivresse de l'Eire on dira. Et celui des vingt ans. Pour rester confus. Bien plus que quelques substances, il y eut mille rencontres et autant d'instants. Souvent des nuits, parfois des matins.

Un des moments de bonheur intense, sur le bateau, en route pour Inis Mór.

Un des moments de bonheur intense, sur le bateau, en route pour Inis Mór.

Ce qui déclenche ma nostalgie aujourd'hui, mis à part le calendrier, ce sont encore une fois des notes de musique. C'était cousu de fil blanc, la musique bien sûr. C'est fou le trop plein de tristesse qu'il y a dans certains airs traditionnels irlandais. Et du fait de ma présence dans ce pays, j'ai pu me retrouver un paquet de fois dans cette situation dans laquelle n'importe quel touriste en Irlande peut aussi se retrouver.

Je veux dire, être dans un pub, souvent debout, avec dans un coin un guitariste, peut-être un violon, un joueur de bodhrán, un banjo... Une pinte emplie d'un liquide noir dans la main ou un petit verre avec de l'or qui brûle les yeux comme un soleil couchant. Ce n'est pas compliqué, non ?

Faire l'expérience de la beauté de certains chants et musiques. On y entend parler de famine certes, de Dublin parfois, de prostituées ou de maris peu galants, de chevaux ou encore de lutte contre l'oppresseur anglais. Mais moi j'y entendais des gigues ou des airs tristes qui toujours, toujours, étaient imprégnés d'un  tourment. Du chagrin sortait de tous ces instruments. Mêmes sur les airs les plus dansants.

Et donc, pour résumer, on peut se trouver ailleurs sur la planète, par exemple à Berlin, en slip, dans le salon. Sans Guinness ni pub, et en appuyant sur play, être transporté dans le temps et dans l'espace.

Joyeuse Saint Patrick à tous les nostalgiques et tous les irlandais.

Cumha
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Souvent des nuits, parfois des matins.

Les photos ci-dessus sont un de ces matins-là. Je les ai empruntées à mon amie Stéphanie qui était venue partager quelques jours un peu de cette ivresse. Dans les dernières heures de la veille, nous avions sûrement du se faire suivre un pub par un autre puis un autre. Peut-être un late pub ou un club pour rester au chaud ? Enfin un shawarma chez Iskander sur Dame Street, c'était le seul endroit où l'on pouvait en trouver.

Après je ne sais pas mais j'imagine qu'une voiture ou deux nous avaient conduits vers Howth, County Fingal. Petit port au nord de Dublin mais surtout péninsule qui vient refermer la baie de Dublin avec une vue superbe jusqu'au sud (Dalkey et, au-delà, Bray).

Nous avions regardé le soleil se lever au moment où nous allions, nous, nous coucher.

 

Ce matin, j'ai picoré dans des vieilles photos, un peu hasard (passionnément, pas du tout).
J'y ai mis pas mal de photos de moi, même pas honte. Car en voyant ma tronche parfois ça me rappelle tout ce qu'il y avait autour à ce moment là.

Cumha
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Cumha
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Cumha
Cumha
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Quand je recherchais la traduction du mot nostalgie en irlandais, je me suis rendu compte que ce mot, cumha, voulait aussi dire : deuil, mal du pays, solitude et chagrin.

Je n'ai pas l'alcool triste, plutôt le contraire, je l'ai euphorique (je le suis par nature). Mais ces nuits et parfois ces matins ont ce goût du mal d'un pays qui ne fut jamais le mien, chagrin car deuil d'un passé qui ne reviendra pas et solitude enfin car tout ça est finalement très personnel. Personnel dans le sens où c'est difficile, même avec autant de mots, de pouvoir communiquer à une autre personne le bonheur, la joie et tout ce que j'ai connu. Là-bas.