Je suis tombé ce matin sur ce sympathique article publié dans les Inrockuptibles. J'ai été assez surpris de trouver un aussi bon article dans
cet hebdo qui se laisse souvent un peu aller.
C'ets au sujet des Birdy Nam Nam dont je raffole. Plus exactement, ça concerne leur nouvel album "Manual For Successful Rioting". L'article
est signé Benjamin Mialot.
A quatre têtes, quatre platines et huit mains agiles et ludiques, les Français de Birdy Nam Nam sont devenus l'une des plus torrides machines à danser du circuit live. Désormais, ils savent aussi
faire des albums d'électro tapageuse et panachée.
“Un DJ n'est pas un musicien.” Toujours sur les lèvres de quinquagénaires à éventail ou de chevelus jouant pourtant de la guitare comme d'autres astiquent une mitrailleuse, cette
affirmation était déjà réactionnaire du temps où Kool Herc et Grandmaster Flash écrivaient l'Histoire avec les diamants de leurs platines. Elle l'était également lorsque Kid Koala, DJ Shadow et
autres crate-diggers au nez creux mettaient le feu aux chapelles tout en arrosant un format dont on nous assurait à l'époque qu'il allait se consumer jusqu'à l'extinction (le disque vinyle,
soixante ans et tous ses microsillons). Elle l'est bien plus encore depuis que l'ombre de Birdy Nam Nam a commencé à s'étendre sur le globe.
C'était en 2005, année de la parution du premier effort discographique d'une hydre à quatre têtes bien décidée à descendre les marches des podiums des championnats Disco Mix Club – qu'elle
trustait depuis plus de cinq ans – pour mieux grimper celles du panthéon de la musique électronique à la française. Éponyme, technique sans être démonstratif, cet enregistrement était de ces
albums aux airs d'invitation. Invitation à faire valser les étiquettes (jazz, funk, hip-hop...) jusqu'à filer le tournis aux disquaires les plus aguerris et invitation, surtout, à se munir d'un
sac de sport, de bracelets éponges et de vêtements de rechange pour assister aux prestations live du groupe, littéralement survoltées. Des Transmusicales à l'Olympia, Birdy Nam Nam en a ainsi
laissé plus d'un sur le carreau, au point d'effacer le pedigree de ses membres et, plus embêtant, de ternir l'éclat d'un disque excitant et foisonnant mais incapable de soutenir la comparaison
avec une telle force de frappe scénique.
Le fameux cap du deuxième album était donc pour le moins crucial pour DJ Pone, DJ Need, Crazy B. et Little Mike. C'est avec aisance que les quatre compères le franchissent aujourd'hui, notamment
parce qu'avant même que leur premier album ne s'écoule à 30 000 exemplaires, ils avaient prévu d'évoluer vers un son différent, plus musclé, quitte à y laisser des plumes. Ouvertement taillé pour
les dancefloors, le bien nommé Manual for Successful Rioting risque en effet de conduire les fans les plus radicaux du combo à s'agrafer les oreilles en signe de protestation. Tant pis
pour eux, ils passeront à côté de l'un des premiers séismes discographiques de cette année 2009 flambant neuve – séisme dont on n'a pas fini de guetter les répliques et remixes.
D'autant que, quitte à la jouer French Touch 2.0 et acouphènes, les quatre as du pitch n'ont pas fait les choses à moitié en confiant la production à l'artificier Yuksek et en invitant Justice à mettre la croix à la pâte sur Parachute Ending, finish anxiogène et frénétique vraisemblablement composé au volant de la bagnole de K2000 pendant une crise de tachycardie. Est-ce à dire que la colossale culture musicale de la bande a été balayée par l'irruption des machines et des synthétiseurs dans son arsenal ? Pas le moins du monde. Sans calquer son instinct de conservation sur celui de Mr Oizo, autre volatile de synthèse et véritable anomalie du catalogue Ed Banger, Birdy Nam Nam est en effet parvenu à trouver un solide équilibre entre cette envie nouvelle de faire fondre les amplis et celle de profiter des trajectoires de chacun.
Le terme n'est pas anodin, il pourrait même définir la construction de plusieurs compositions d'un album qu'on jurerait placé sous le signe de la mobilité : Bonne Nouvelle, qui de sa
contrebasse cosmique et ses incisions indie-rock boucle le tour de métro entamé jadis par Abbesses et ses accordéons ; Transboulogne Express, aller-simple pour un festival de
beats irrésistibles et de mélodies stroboscopiques avec Kraftwerk en guise de contrôleur ; ou encore Space Cadet Apology, forcément moins assujetti à la gravité et dont les onomatopées
et bleeps robotiques fileraient le cafard à Hal 9000, l'ordinateur de 2001 Odyssée de l'Espace.
Birdy Nam Nam a donc muté en une rutilante usine à hits capable de satisfaire tout ce que la planète electro compte de mélomanes : les fanatiques de gros calibres (Love Your Ennemy), ceux pour qui l'électronique est plutôt affaire de paysages et couleurs (Red Dawn Rising) et ceux, plus rares, qui aiment détourner des répliques de films des frères Coen pour conclure leurs articles. “This is not bowling, this is (Birdy Nam) Nam. There are no rules.”