Le frisson irlandais
Hier soir, 89ème minute d'un match de poule de l'Euro 2012.
Je suis seul avec un petit chat noir qui veut me porter bonheur mais m'empêche de dormir correctement la nuit. Le commentateur de la télevision allemande a la rare intelligence de se taire. Je me demande alors si les téléspectateurs français, par exemple, ont eu le même bonheur ? Dans son silence, transpire l'émotion qui étranglent certainement des milliers de gorges de par le monde à la même minute. Et il écoute.
Hier soir, 89ème minute d'un match de poule de l'Euro qui opposait l'Espagne à l'Irlande.
Les irlandais sont menés 4 à 0 ou quatre à zéro. En chiffres comme en lettres, ça fait quand même beaucoup. L'affiche du soir proposait peut-être là le match avec le plus grand écart de niveau de cette compétition. Mais dans les tribunes et dans les c(h)oeurs, se sont bien les irlandais qui mènent la danse. Et j'écoute.
Comment ne pas être pris d'émotion ??
Je revoyais défiler mes vertes années. Mes incursions à Lansdowne Road, les petits pas dans les veines de Dublin, mes lendemains de cuites le nez au vent, allongé dans l'herbe au-dessus du phare de Howth, le temps qui s'arrête entre soleil qui brûle les yeux et chagrin de pluie à Inis Mór, mes amis, tout aussi nombreux que les pintes entrechoquées sur les table de bois du Madigans, la gouaille des vendeuses de fruits et légumes de Moore Street... Et tout le reste.
Pendant ces longues minutes où de mon téléviseur ne sortaient que ces milliers de voix tendues comme des arcs, je flottais dans cette douce mélancolie. Craíc tout virtuel mais craíc tout aussi puissant et fort que celui de là-bas.